Guillaume Vissac
14-11-2014

Tu ne sais plus d’où ça vient, qui l’a prononcé ou écrit quelque part, dans quel but ou dans quelles circonstances, mais quelqu’un a dit, un jour, qu’il valait mieux, en écriture, procéder à une ablation systématique de la première et de la dernière phrase d’un texte car, au fond, on ne gagnerait jamais assez à se débarrasser des artifices qui nous mettent comme du plomb dans la langue, le plus souvent c’est une pirouette, une formule, quelque chose qui te fait dire, de l’autre côté de la lecture, merde, ces mots font première, dernière phrase, ce n’est pas de la littérature, non, c’est du marketing, ces phrases sont là pour t’enfoncer l’oeil dans le texte, comme les doigts dans la chair, c’est obscène quasiment, mais, pour autant tu t’es toujours méfié des règles que l’on érige afin de ne jamais rien faire comme tout le monde, car on finit toujours par ne plus très bien savoir de quel côté on se trouve, du côté de la norme ou de l’iconoclastie, ce qui te conduit bien souvent à hésiter devant ton écran blanc pointu, les mandibules dressées et lancées jusqu’aux empreintes digitales, et tu n’es sûr de rien, tu hésites, comme hésitaient hier les ingénieurs de l’Agence spatiale européenne, le nez rivé sur les écrans de contrôle de la sonde Philae, au moment du touchdown, ou bien un peu avant, dans cette période d’incertitude qui moussait sur les écrans de nos webcams interconnectées, avant de savoir si oui ou non la sonde s’était bien arrimée à la comète Tchouri, et l’on voyait tous ces corps se tordre sur eux-mêmes, se crisper, peut-être avaient-ils les mains perdues loin dans leurs poches, peut-être que des phalanges y craquelaient, peut-être qu’ils se pinçaient la peau car c’est comme ça qu’enfant ils fustigeaient leurs peurs, recouvraient leurs cauchemars de rituels rassurants, et peut-être que l’un de ces ingénieurs s’est soudainement mis à se mordre les ongles machinalement, alors qu’il ou elle, quelle que soit sa fonction par ailleurs, n’en avait plus touché depuis des siècles, étant parvenu à mettre fin à ses addictions d’ongles après des kilomètres d’efforts, des années de thérapie, des litres de sueur à s’armer contre les toc racés qui nous mastiquent les nerfs, et se dire que cette personne, simplement en relevant la figure pour attraper un brin d’air conditionné et l’aspirer dans le trou béant qui lui servait de regard, ait pu se dire, apercevant peut-être la forme d’une caméra quelque part, merde, le monde entier me regarde, et cette détresse d’une seconde imprimée en temps réel sur la rétine des réseaux, oui, elle te brise toute la cage thoracique car, tu sais quoi, peut-être peut-on de temps en temps revenir aux rituels capables de dissoudre le trop plein de sang qui nous jute à la tête, peut-être que ça n’est pas si grave d’avoir peur d’avoir peur, peut-être peut-on juste oser oublier l’ablation systématique de la première et de la dernière phrase, comme tu le fais ici, car ce n’est pas toujours du marketing, non, c’est autre chose, tu ne sais pas quoi.

Guillaume Vissac
Epilogue
28-11-14

C’est inattendu. Quelques jours après ton retour de La Haye, dans un roman de Kurt Vonnegut, soudainement : l’œil des tortues de l’autre fois, réinventé entre deux pages. Et, lorsque tu es arrivé devant la porte de chez toi au soir du dernier dimanche 16, en sortant du dédale littéralement : impossible de faire rentrer ta clé dans la serrure car la serrure est neuve. Tu es bien au bon endroit dans la réalité présente mais le mécanisme intérieur ne s’enclenche pas. Tu te dis que bientôt il faudra rendre compte et raconter ce que tu as vécu, non, traversé là-bas. Mais méfiance : est-il possible de mesurer précisément, avec des outils matériels, l’écart entre la réalité d’un moment tel qu’il a été vécu par quelqu’un et sa réalité mémorielle ainsi qu’elle s’est fichée dans la matière spongieuse quand il dira, bien des années plus tard peut-être, cette phrase fameuse : je me souviens ? Il faudrait inventer des outils pour cela. Il faudrait vivre encore ces rares instants conformes au cours desquels tu te retrouves à dialoguer avec quelqu’un pour quelques heures seulement, sans filet, sans autre peau que ta silhouette liquide, sans artifice dans la parole et sans contrainte dans le choix des syllabes, car pressé par le temps, car le compte à rebours est partout pour te dire : l’extinction de ce moment approche, tout doit être parlé maintenant, tout se doit d’être juste. Tu t’en souviens, il pleuvait comme à l’intérieur de vous tous. Tu te souviens avoir allumé un écran portable sur tes genoux une demi-heure avant devoir partir pour ta lecture sur scène, tu sais, pour te vider la tête et te tordre le pouls avant l’heure H, et des petits personnages pixelisés sont apparus et ils t’ont dit des choses dans la langue de Shakespeare. Tu ne sais plus ce que c’était mais, oui, ça a marché : ton pouls s’est tu. L’un d’entre eux était moine ; il est devenu géomancien. Ton texte, tu l’as lu dans une salle qui s’appelait heaven. Tu as répondu à des questions de front. Tu as assisté dans cette même salle à un concert de barbes. Tu as parlementé longtemps avec des gens heureux et des visages humains. Puis, alors que tu t’abritais de la pluie et rechargeais la bête en wifi et en jus, quelqu’un est venu vers toi et t’as demandé, en français dans la bouche, sans accent d’aucune sorte : vous êtes Guillaume Vissac ? Taxi pour le départ, déjà. Le reste c’est un train rouge dans la nuit noire, la sonde Philae en hibernation et, au bout des voies, Paris la souterraine encore, le retour au jour J du départ et, plus généralement, l’endroit que tu avais désigné plusieurs heures en amont comme étant celui où j’ai le plus lu de toute ma vie. Bien sûr, à présent, autour de toi on te demande comment ça s’est passé, et tu réponds précisément tout ou partie de ces choses. Mais, avant d’en arriver là, il te faut tout d’abord passer le pas de ta porte d’entrée à la serrure changée. Tu frappes. On t’ouvre. Comment ça s’est passé ? C’était bien. J’ai lu mes trucs à l’heaven. J’ai vu La leçon d’anatomie du docteur Tulp et puis la mer phosphorescente. J’ai bu des trucs au litchi. Pris 120mg d’Elétriptan. 80mg de Propranolol ratiopharm. Mangé dix-huit croissants. Rencontré des gens bien. Cherché mes yeux parfois. Mon moine est devenu géomancien.

17-11-14

Un camarade poète itinérant a écrit un truc tendre et ça dit:

Sur les portes des shops ouverts la nuit
— sur la peau de ceux qui tiennent encore — sur les écrans de nos machines — sur les gouttes de flottes qui s’écoulent contre nos peaux une nuit qu’on était resté là pour se raconter des histoires : la tendresse.

Tu penses à lui à cause des barbes. Ici, des groupes de folk à barbes. Groupes de rock à barbes. Hipsters à barbes. Barbes à barbes. Peut-être qu’il existe un beard code par ici ? Pour une raison ou une autre te voilà à répéter le mot éclectique. Dans un musée, tu t’es retrouvé à refaire plusieurs fois le sens de la visite mais à l’envers (puis à l’endroit, puis à l’envers encore), parce qu’il te fallait toujours revenir à la mer phosphorescente. On t’en a extirpée pour te poser sur scène et sur scène tu as articulé ton pitch habituel. C’est l’histoire d’un mec qui a perdu sa main et qui veut la retrouver. Tu en lis un passage, mais restons sur le pitch. Dans la salle ça fait rire et tu précises ensuite, plus de deux heures plus tard et en langue parallèle, it’s not a funny book, no. Actually it’s fucking sad. On te parle de Charles Bukowski, sauf que la prononciation de son nom le déforme et ce n’est plus le Bukowski que tu connais. On te l’écrit avec les doigts sur l’écran d’un téléphone dit magique. L’espace d’un instant l’ombre du Bukowski a muté en quelque chose d’autre et se rongeait les ongles dans sa barbe et te fixait l’air mystérieux, avec des tics nerveux le long des coudes et des poignets. Encore une barbe. Quelqu’un dit, est-ce qu’il a des tocs ? Quelqu’un dit tiny dicks. On te demande si t’es drogué ou quoi. C’est toujours difficile de répondre à ce genre de questions. Puis, lentement, faisant pivoter sa tête sur son cou et te fixant dans l’or noir de tes yeux, Antonio Lobo Antunes a parlé. Il a dit, sans aucune barbe d’aucune sorte et comme aveuglé par les spots, he asked me if I was a fag. Sauf que, dans sa langue et dans son accent et dans son âge, il n’a pas dit fag, il a dit fang. Il m’a demandé si j’étais un croc. Quel drôle de truc à demander à qui que ce soit. Et tu ne sais pas ce qu’il a répondu. Tu sais simplement que la gastronomie néerlandaise semble tremper dans la friture. Il y a ce truc qui ressemble à la bite d’un cheval et quelqu’un se la fume comme un cigare et l’allume et fume avec et elle n’a pas de barbe cette fumée. En fait, elle n’a pas de fumée cette fumée. Elle est là, elle serpente sur les marches d’escalier d’une époque engloutie où vous êtes tous les deux à parler de whisky, vous qui n’en buvez pas. Whisky, tu recherches via le correcteur orthographique du téléphone, ça s’écrit whisky. Ça n’a pas de barbe, non. Ça va et vient dans ton verre pendant que le silence bourdonne au niveau de ta peau étale. Il faut refaire plusieurs fois le tour des choses pour en revenir à la mer phosphorescente. Plusieurs fois le tour de la mer phosphorescente pour entrer dans ce tableau splendide qui s’intitule Three worlds. Plusieurs fois Three worlds pour ressentir Three worlds. Il ne reste plus que ça au final. La tendresse. La surimpression des mondes. Des barbes et des mots étrangers. De la tendresse encore.

15-11-14

Tu as perdu la notion du temps et des tortues. Tu te souviens avoir marché le long de quelques couloirs souterrains (souterrains jusqu’à un certain point), dédale d’une pyramide à l’envers. Ici, les langues sont à l’envers aussi. Commencer dans l’une, terminer dans une autre. Parfois n’y rien comprendre. Par exemple, la performance de deux auteures, leurs voix doublées par des bruissements électroniques, leurs mâchoires parlant dans une langue inconnue, et toi là fasciné par la musique des choses qui savent vivre d’elles-mêmes, sans le sens, sans la racine qui les lie à la terre. D’accord, mais où sont les tortues ? Car, à un moment donné, quelqu’un a dit que le truc des tortues c’était à voir. Le nom du groupe ça voulait dire : piétinés par des tortues. Quelque part, c’était noir. Quelque part, c’était rouge. Donc, ok. Mais où sont les tortues ? Et c’était la même chose au concert d’Iron & Wine, il n’y en avait qu’un. Iron (ou Wine). Aucune tortue sur scène ni dans les mots d’aucune bouche, mais à un moment donné Iron ou Wine a invité quelqu’un qui n’avait pas de nom, simplement un prénom, pour chanter en duo avec lui et, comme il l’a dit lui-même, littéralement dans sa barbe, to make him look good. Tu n’as pas retenu le prénom de cette chanteuse. Juste qu’elle est apparue lorsqu’il en a prononcé les syllabes et qu’elle a disparu lorsqu’il l’a remerciée. Tu remarques plus facilement ceux qui se tiennent dans le fond et dont on ne sait jamais très bien à quoi ils servent ou bien ce qu’ils font là. Ce qui t’attire, c’est la netteté de l’esquisse. Même chose dans un tableau. C’est un beau paysage, la lumière est moelleuse, mais tu ne t’intéresses qu’aux ombres minuscules qui s’accrochent sur le fond. Alors tu t’approches jusqu’à ce que la peinture elle-même gagne en épaisseur et en consistance ou, en un mot, en texture. Voilà. Petites silhouettes noires tracées d’un trait. Un pour le corps, un pour chaque jambe, chaque bras. Peut-être, parfois, une forme plus complexe car il y a un chapeau. Une tâche au pinceau, c’est un troupeau de bêtes. C’est tout. Silhouettes. Pourquoi ne pas en proposer un agrandissement à 3000 % pour ne voir qu’elles ? Ou, mieux, pourquoi l’artiste ne les a pas directement peintes de cette façon, sur des toiles gigantesques, mais en conservant néanmoins ce trait sommaire si net. Si c’était le cas, ceci dit, tu te trouverais encore à te rapprocher de la toile jusqu’à ce que la toile devienne une pâte, et y traquer sans bouger le plus petit dénominateur commun de chair possible, le grain de poussière, le pigment, l’éclat, pixel. En sortant du musée, un tour par la boutique cadeau pour revoir en quelques secondes ce que tu as déjà vu précédemment, mais cette fois tatoué sur la courbe d’un mug, sur le visage d’un canard en plastique ou sur une carte postale. Là, deux tortues brésiliennes, becs ouverts, l’oeil sur la tranche, féroces peut-être. Elles n’étaient nulle part en peinture dans les salles du musée, tu es sûr de ça. Alors quoi ? Où sont-elles ? C’est quoi le problème avec les tortues ?

14-11-14

Tu ne sais plus d’où ça vient, qui l’a prononcé ou écrit quelque part, dans quel but ou dans quelles circonstances, mais quelqu’un a dit, un jour, qu’il valait mieux, en écriture, procéder à une ablation systématique de la première et de la dernière phrase d’un texte car, au fond, on ne gagnerait jamais assez à se débarrasser des artifices qui nous mettent comme du plomb dans la langue, le plus souvent c’est une pirouette, une formule, quelque chose qui te fait dire, de l’autre côté de la lecture, merde, ces mots font première, dernière phrase, ce n’est pas de la littérature, non, c’est du marketing, ces phrases sont là pour t’enfoncer l’oeil dans le texte, comme les doigts dans la chair, c’est obscène quasiment, mais, pour autant tu t’es toujours méfié des règles que l’on érige afin de ne jamais rien faire comme tout le monde, car on finit toujours par ne plus très bien savoir de quel côté on se trouve, du côté de la norme ou de l’iconoclastie, ce qui te conduit bien souvent à hésiter devant ton écran blanc pointu, les mandibules dressées et lancées jusqu’aux empreintes digitales, et tu n’es sûr de rien, tu hésites, comme hésitaient hier les ingénieurs de l’Agence spatiale européenne, le nez rivé sur les écrans de contrôle de la sonde Philae, au moment du touchdown, ou bien un peu avant, dans cette période d’incertitude qui moussait sur les écrans de nos webcams interconnectées, avant de savoir si oui ou non la sonde s’était bien arrimée à la comète Tchouri, et l’on voyait tous ces corps se tordre sur eux-mêmes, se crisper, peut-être avaient-ils les mains perdues loin dans leurs poches, peut-être que des phalanges y craquelaient, peut-être qu’ils se pinçaient la peau car c’est comme ça qu’enfant ils fustigeaient leurs peurs, recouvraient leurs cauchemars de rituels rassurants, et peut-être que l’un de ces ingénieurs s’est soudainement mis à se mordre les ongles machinalement, alors qu’il ou elle, quelle que soit sa fonction par ailleurs, n’en avait plus touché depuis des siècles, étant parvenu à mettre fin à ses addictions d’ongles après des kilomètres d’efforts, des années de thérapie, des litres de sueur à s’armer contre les toc racés qui nous mastiquent les nerfs, et se dire que cette personne, simplement en relevant la figure pour attraper un brin d’air conditionné et l’aspirer dans le trou béant qui lui servait de regard, ait pu se dire, apercevant peut-être la forme d’une caméra quelque part, merde, le monde entier me regarde, et cette détresse d’une seconde imprimée en temps réel sur la rétine des réseaux, oui, elle te brise toute la cage thoracique car, tu sais quoi, peut-être peut-on de temps en temps revenir aux rituels capables de dissoudre le trop plein de sang qui nous jute à la tête, peut-être que ça n’est pas si grave d’avoir peur d’avoir peur, peut-être peut-on juste oser oublier l’ablation systématique de la première et de la dernière phrase, comme tu le fais ici, car ce n’est pas toujours du marketing, non, c’est autre chose, tu ne sais pas quoi.

Prologue
04-11-14

Lorsqu’on te demande ce que tu vas foutre là-bas, tu réponds que tu es dans le déni. Tu as vu le site web évidemment. On te demande d’écrire un truc. Tu as ouvert une page blanche dans le blanc du Macbook éclairé, mis l’interligne 1.5 et tu as jeté une feuille de papier, blanche aussi, sur laquelle quelqu’un avait écrit (toi sans doute) rappeler Marc de toute urgence. Mais Marc a déjà été rappelé de toute urgence car cette feuille a des mois. Pour autant, tu ne te sens pas le coeur de la jeter cette feuille : tu ne sais même pas ce qu’elle fout là. Elle n’appartient ni au présent, ni à l’espace qui est le tien lorsque tu actionnes les mandibules de l’ordinateur blanc. Mais tu n’as pas dit ça, non. D’ailleurs, on ne t’a pas posé la question, et les ordinateurs blancs n’ont pas de mandibules. Mandibule est un mot inventé par un autre pour désigner encore d’autres réalités que la tienne (mais pourtant tu t’en sers). Au recto de cette feuille, en rouge sur blanc, au feutre, tu avais dessiné la tête d’un diable et, comme souvent, tes aptitudes au dessin étant malheureusement ce qu’elles sont, tu t’étais arrêté en chemin, de peur d’aller au bout du processus de représentation. L’autre jour tu as dit tout m’épuise. C’est au dessus de mes forces. Tout m’essouffle et même quelque chose de simpliste je suis incapable de le faire. Question : quoi par exemple ? Réponse : répondre à cette question. Parfois tu aimerais que la réponse à n’importe quelle question puisse avoir été taguée au préalable sur un mur de la ville et que ce mur parle à ta place (car les murs ont des bouches de peinture pour parler couramment ce qu’on ne saurait dire humainement à voix haute). Par exemple l’amour est mort. Ça galope sur les murs de Paris. Et, près des Galeries Lafayette, cette phrase : nous ne sommes pas conformes. Mais qui tague ça ? Quels sont leurs yeux et quels sont leurs visages ? Tu ne t’es jamais approché d’une cannette de peinture. Pour quoi faire si les diables qui sortent du spray tu ne sais pas les finir ? Peut-être que c’est une question de confiance ? Peut-être que c’est une histoire de superstition, comme quand tu tapes une phalange sur la table et que tu dis je touche du bois, par mimétisme. Ou que tu fais le même geste, mais caché, la phalange dans ton poing et ton poing dans ton poing, au cours d’un match, n’importe quel match, juste avant un corner ou un coup franc dangereux, aux abords de la surface comme disent les voix des spécialistes à la télé, et que tu te répètes, dans ta langue intérieure, sans ouvrir aucune bouche ni cracher aucun son, ils ne marqueront pas. Et, la plupart du temps, ça fonctionne. Lorsque ce n’est pas le cas, personne pour remettre en question tout l’équilibre des petits gestes qui découlent instinctivement de la superstition. Mais s’ils marquent, oui, quelque chose se produit. Peut-être que ça ne dure qu’une fiction de seconde mais c’est assez pour ébranler le sens du monde tel qu’on croyait l’avoir construit. Notamment : es-tu sûr d’avoir rappelé Marc il y a des lunes ? Et pour lui dire quoi donc ?