Ghislaine van Drunen
Être son œuvre
BY Sytske van Koeveringe
19-11-2017

Le Robocobra Quartet est composé d’un bassiste, d’un saxophoniste, d’un clarinettiste et d’un batteur.

La batterie occupe plutôt de la place, comme le batteur.

Il chantait –

Non, il criait – il poussait des petits cris, parfois dans le microphone, parfois à côté.

Non il jouait – ou est-ce qu’on pourrait parler de performance ? Il s’est levé plusieurs fois, s’éloignant de sa batterie (!!)

Ou plutôt, il faisait des plaisanteries –

Mais il respirait aussi (il respirait comme savent le faire les danseurs – de manière maîtrisée/admirable !!).

Quoi qu’il en soit : il était là.

Et la musique était là.

Et je ne pouvais pas situer cette musique, mais je n’arrêtais pas de penser à l’œuvre d’Ingrid Jonker. Pas à une phrase précise ou à un poème, mais à sa biographie dans son ensemble, au film Black Butterflies, à sa correspondance avec André Brink, aux histoires qu’on raconte sur elle.

Le batteur avait une certaine forme d’attention –

Une concentration –

Une ferveur –

(Est-ce qu’on dit ça comme ça ? Est-ce qu’on peut porter de la ferveur en soi ?) Dans ce cas, c’est ce qu’il faisait.

Cette énergie dans son corps –

Ça –

Me rappelait Jonker.

« People don’t know what we do, are sometimes confused: « Is it jazz or not? » They’re confused, we’re confused, everyone is confused », disait le batteur en entamant la chanson suivante.

Et je me disais: OUI !

Ne surtout pas parler de son travail.

Ne pas expliquer, ne le fais pas, s’il te plaît –

Fatma Aydemir (lisez sa 3e chronique) a dit: « On te posera toujours des questions. »

C’est ce que je pense aussi –

Ou plutôt, voilà une chose qui est certaine.

Les questions – je préfère les poser moi-même.

Répondre aux questions pour se positionner – c’est difficile.

(Après chaque interview, j’ai des regrets: si seulement je n’avais pas – Ou : si seulement j’avais dit ça.)

Répondre aux questions pour clarifier son œuvre – c’est tout aussi difficile.

« On ne vit plus à une époque où l’on peut laisser son œuvre parler d’elle-même, » dit-on souvent.

C’est peut-être vrai. Et j’ai peut-être une idée trop romantique de l’art.

Mais est-ce que ce n’est pas comme les recueils de nouvelles ? On dit que ça ne se vend pas.

Mais –

Et puis merde.

Ça ne signifie tout de même pas qu’on n’a plus le droit d’écrire des recueils de nouvelles ?

Dans ce cas, l’art devient – en simplifiant – une question d’argent.

Donc –

Si l’œuvre, quelle qu’elle soit, est là, alors elle est là.

On peut en parler, on peut boire un verre de vin en sa compagnie, on peut parler de chiffres de ventes, on peut la commenter –

Mais en regardant le Robocobra Quartet, j’étais sûre que ce qui compte pour moi c’est cette énergie, cette ferveur, cette concentration que je ressens en créant.

Et que je reconnais donc parfois dans l’œuvre de quelqu’un d’autre.

Je veux dire, le temps qu’il me faut pour expliquer mon œuvre, j’aurais pu le passer à écrire cinq cent nouveaux mots.

À chaque question sur l’écriture, je me dis : Eh ! Je ne ferais pas mieux d’aller écrire un peu ?

Ou si j’allais à un concert – au lieu de répondre à la question.

Ou si je lisais un livre ?

Ou si j’allais voir une pièce de théâtre ?

Ou si je passais une soirée avec un autre écrivain (parler avec d’autres écrivains est ce qu’il y a de plus chouette et de plus difficile, je trouve) ?

Je ne vais donc pas essayer d’expliquer la musique du Robocobra Quartet. Parce que je sais que je ne vais jamais y arriver, mais aussi parce que je n’en ai pas envie (vous n’avez qu’à aller les voir jouer), tout ce que je sais, c’est que comme ces quatre musiciens et Jonker (ce ne sont pas les seuls créateurs que j’admire, bien sûr), je ne veux pas passer autant de temps à bavasser, mais je veux surtout continuer à créer, parce que c’est la seule chose qui compte.

 

Ghislaine van Drunen
Être son œuvre
19-11-17

Le Robocobra Quartet est composé d’un bassiste, d’un saxophoniste, d’un clarinettiste et d’un batteur.

La batterie occupe plutôt de la place, comme le batteur.

Il chantait –

Non, il criait – il poussait des petits cris, parfois dans le microphone, parfois à côté.

Non il jouait – ou est-ce qu’on pourrait parler de performance ? Il s’est levé plusieurs fois, s’éloignant de sa batterie (!!)

Ou plutôt, il faisait des plaisanteries –

Mais il respirait aussi (il respirait comme savent le faire les danseurs – de manière maîtrisée/admirable !!).

Quoi qu’il en soit : il était là.

Et la musique était là.

Et je ne pouvais pas situer cette musique, mais je n’arrêtais pas de penser à l’œuvre d’Ingrid Jonker. Pas à une phrase précise ou à un poème, mais à sa biographie dans son ensemble, au film Black Butterflies, à sa correspondance avec André Brink, aux histoires qu’on raconte sur elle.

Le batteur avait une certaine forme d’attention –

Une concentration –

Une ferveur –

(Est-ce qu’on dit ça comme ça ? Est-ce qu’on peut porter de la ferveur en soi ?) Dans ce cas, c’est ce qu’il faisait.

Cette énergie dans son corps –

Ça –

Me rappelait Jonker.

« People don’t know what we do, are sometimes confused: « Is it jazz or not? » They’re confused, we’re confused, everyone is confused », disait le batteur en entamant la chanson suivante.

Et je me disais: OUI !

Ne surtout pas parler de son travail.

Ne pas expliquer, ne le fais pas, s’il te plaît –

Fatma Aydemir (lisez sa 3e chronique) a dit: « On te posera toujours des questions. »

C’est ce que je pense aussi –

Ou plutôt, voilà une chose qui est certaine.

Les questions – je préfère les poser moi-même.

Répondre aux questions pour se positionner – c’est difficile.

(Après chaque interview, j’ai des regrets: si seulement je n’avais pas – Ou : si seulement j’avais dit ça.)

Répondre aux questions pour clarifier son œuvre – c’est tout aussi difficile.

« On ne vit plus à une époque où l’on peut laisser son œuvre parler d’elle-même, » dit-on souvent.

C’est peut-être vrai. Et j’ai peut-être une idée trop romantique de l’art.

Mais est-ce que ce n’est pas comme les recueils de nouvelles ? On dit que ça ne se vend pas.

Mais –

Et puis merde.

Ça ne signifie tout de même pas qu’on n’a plus le droit d’écrire des recueils de nouvelles ?

Dans ce cas, l’art devient – en simplifiant – une question d’argent.

Donc –

Si l’œuvre, quelle qu’elle soit, est là, alors elle est là.

On peut en parler, on peut boire un verre de vin en sa compagnie, on peut parler de chiffres de ventes, on peut la commenter –

Mais en regardant le Robocobra Quartet, j’étais sûre que ce qui compte pour moi c’est cette énergie, cette ferveur, cette concentration que je ressens en créant.

Et que je reconnais donc parfois dans l’œuvre de quelqu’un d’autre.

Je veux dire, le temps qu’il me faut pour expliquer mon œuvre, j’aurais pu le passer à écrire cinq cent nouveaux mots.

À chaque question sur l’écriture, je me dis : Eh ! Je ne ferais pas mieux d’aller écrire un peu ?

Ou si j’allais à un concert – au lieu de répondre à la question.

Ou si je lisais un livre ?

Ou si j’allais voir une pièce de théâtre ?

Ou si je passais une soirée avec un autre écrivain (parler avec d’autres écrivains est ce qu’il y a de plus chouette et de plus difficile, je trouve) ?

Je ne vais donc pas essayer d’expliquer la musique du Robocobra Quartet. Parce que je sais que je ne vais jamais y arriver, mais aussi parce que je n’en ai pas envie (vous n’avez qu’à aller les voir jouer), tout ce que je sais, c’est que comme ces quatre musiciens et Jonker (ce ne sont pas les seuls créateurs que j’admire, bien sûr), je ne veux pas passer autant de temps à bavasser, mais je veux surtout continuer à créer, parce que c’est la seule chose qui compte.

 

Ici un dialogue
05-11-17

Il y a une entrée : «  Oui, non, je n’ai pas vraiment regardé le programme. Où est-ce que je dois aller ? »

Il y a un bar : « Vous voulez bien avancer un peu ? Sinon personne ne va pouvoir venir commander au bar. »

Il y a un sol : « Ça glisse ici, regarde, je peux patiner, comme autrefois. »

Il y a un vestiaire : « Qui est-ce qui se promène avec un euro en poche de nos jours ? »

Il y a de l’argent : « J’ai trouvé cinq euros, tiens, ils sont à toi maintenant, ou à nous. Deux pressions s’il vous plaît ! »

Il n’y a pas d’argent : « Je veux de la bière gratis. »

Il y a de la lumière : « On se met près du mur là ? Cette lumière m’éblouit. »

Il y a une table couverte de livres : « Je trouve que ces quatre-là sont les plus beaux. »

Il y a un écrivain : « Je vais voir s’il y a mon livre dans le tas. »

Il y a des écrivains : Ici un dialogue sur la vente d’un livre, sur le marketing d’un livre, sur le livre en tant que produit, sur l’écrivain en tant que produit, sur les gens en tant que produits.

Il y a un peu de vomi dans ma bouche.

Il y a une table couverte de livres : « Tu as lu Ellebogen ? Je l’ veux.»

Il y a une table couverte de livres : « Je n’ai lu que (elle prend le livre de Gerda Blees) des critiques positives sur celui-ci. »

Il y a des tables : « Dommage qu’il n’y ait pas de cacahuètes, j’aurais bien mangé un truc salé. »

Il y a des tables : « On la déplace un peu par-là ? Je ne t’entends pas très bien sous ces baffles. »

Il y a des chaises : « Viens, on s’assoit, je suis fatiguée. À force de marcher toute la soirée. »

Il n’y a pas de chaises : « On peut s’asseoir nulle part ici. »

Il y a des toilettes : « Madame, madame, pas de bière à l’intérieur ! »

Il y a des toilettes : « Ça te gêne si je te dis que tu es très belle ? »

Il y a des toilettes : Un homme agrippe une femme par la taille, la femme ne connaît pas cet homme, le repousse, l’homme est vexé. »

Il y a un DJ : « Ça me paraît pas très valorisant d’être DJ ici maintenant. »

Il y a un espace : « Impressionnant ! Quelle salle ! »

Il y a une femme : « Je n’aime pas du tout les festivals, j’ai tout le temps peur de perdre mon mari, oui, non, je suis tendue toute la soirée. »

Il y a peu d’espace : « Ah, c’est là que tout le monde était, alors qu’il ne se passe rien ici ! »

Il y a un escalier : « Je sens mes mollets à chaque marche, j’ai fait beaucoup trop de sport aujourd’hui ! »

Il y a une rampe d’escalier : « Gijs, Gijs, attends, il faut que je me tienne, tu le sais, pourtant ? »

Il y a des couples : ennuyeux.

Il n’y a pas de magnétophone. Pour enregistrer tous les rires (contagieux) de tout le monde.

Il y a un concert : « Je ne veux pas te faire peur mais il y a trois guitares électriques. »

Il y a un concert : « Ça lui est égal de se produire devant trois personnes ou sur une scène gigantesque, il emballe tout le monde. » (Baloji !!!)

Il y a un concert : « Elle est canon cette meuf. »

Il y a un concert : « Sa robe est mal mise, elle n’arrête pas de tirer dessus. »

Il y a une femme après un concert : « Eh ben dis-donc, t’étais vraiment malheureuse toi sur scène. »

Il y a un concert : « Elle est douce mais en même temps elle a de la présence, les deux ensemble, ça vaut de l’or. »

Il y a de l’alcool dans le corps, ou plutôt : il y a une tornade qui se produit dans le corps.

Il y a un concert (le chanteur et le batteur du Robocobra Quartet) : « People don’t know what we do, are confused: “Is it jazz or not?” They’re confused, we’re confused, but everyone is confused, right? »

 

 

 

 

L’artiste en question
04-11-17

 

Tu n’as pas envie d’être dans un lieu où la seule chose qui compte est de « s’amuser ».

Tu considères que « s’amuser » est une forme de pourrissement. Une moisissure qui entraîne la dégénérescence.

Tu n’aimes pas ces quantités démesurées. Comme s’il y avait toujours quelque chose à remplir.

Tu détestes choisir, d’autant plus que tu as l’impression que les plages horaires te forcent à prendre conscience d’un certain vide, d’un manque.

Cette myriade de lieux te met mal à l’aise, tu préfères rester au même endroit, ça évite de te prendre la tête avec ton manteau, l’enlever, le remettre, tout ça.

Tu dépenses de préférence le moins d’argent possible en une journée, tu méprises l’idée que la consommation va de soi.

Tu n’aimes pas les grands noms, l’attirance qu’exercent les grands noms sur les foules.

Tu ne veux pas te fondre dans cette masse humaine.

Tu t’ennuies assez vite, tu n’as même pas la patience d’écouter un artiste pendant toute la durée de son concert. Tu pourrais quitter la salle au milieu de la représentation. Assister à une conférence, une interview, ou manger un morceau. Tu vas me dire qu’on trouve à manger partout : que ce soit un truc végétarien qui ressemble à de la viande ou un truc véganiste qui ressemble à de la viande.

Après avoir mangé tu peux faire un tour au coin détente, ou au coin de dédicace, ou dans un endroit où faire des achats. Oui, on a pensé à toutes tes impulsions réprimées.

Tu n’aimes pas l’alcool : tu vas à un festival, tu bois, tu oublies la moitié, cela n’en valait pas la peine ? Évidemment, tu pourrais t’arrêter au bout d’un verre, mais ce n’est pas ton genre : c’est trois bouteilles de vin ou rien.

Non, tu serais mieux chez toi avec un bon bouquin ou un journal.

Ça fait voyager aussi.

Tu n’es au festival que depuis quatre heures mais tu as déjà vu plusieurs conférenciers et  musiciens. L’un des auteurs se produisait dans une salle comble.

Tu trouves ça beau, extraordinaire que quelqu’un qui écrit des livres attire un si grand public. Après sa présentation, tu as acheté son livre et demandé une dédicace. Dans un élan d’enthousiasme, tu as aussi acheté un sac en lin, un carnet de notes, une tasse avec le nom du festival, le disque d’un musicien, un aimant pour ton frigo et trois autres bouquins.

Sois honnête, tu n’as encore rien vu jusqu’au bout, mais qu’est-ce que ça peut faire ? Ça explique ces chevauchements dans le programme !

Heureusement que les organisateurs pensent aux gens comme toi.

Tu trouves ça chouette que chaque représentation soit dans un autre endroit… non tu trouves ça formidable. Ça te permet de prendre l’air en chemin, de digérer ce que tu as vu ou entendu.

Tu arrives tout juste du coin détente après avoir mangé un sandwich aux falafels et bois ton cinquième verre de vin blanc sec.

Avec ta copine (que tu avais d’ailleurs perdue de vue toute la soirée), tu te retrouves au premier rang du concert de Pink Oculus, tu ne connaissais pas encore cette belle personne, mais tu sais qu’en rentrant, tu écouteras sa musique en boucle pendant des semaines.

Tu fais partie d’un groupe, un groupe qui passe du bon temps, qui s’amuse.

Tu te sens bien, entourée de toute cette chaleur humaine. L’odeur de fumée, de bière et de transpiration, les gens qui dansent autour de toi.

Tu te laisses emporter par l’énergie du public et de l’artiste en question.

Tu bouges au rythme de la musique. En plus, il y a un after party.

Tu ne veux pas que cette soirée se termine.

Oui, tu te laisses aller (pour une fois, enfin).

 

 

 

Dingue
03-11-17

J’avais décidé de commencer cette deuxième chronique par un problème. Je voulais démontrer ici que durant l’écriture de mon livre, je n’ai pas réfléchi à la période qui suivrait. Que je ne m’étais pas rendu compte que mon livre serait lâché « dans le monde ». (Je jette toujours mon travail à la poubelle une fois qu’il est « terminé »).

Je voulais également consigner ici les réactions à mon livre, passées et présentes, et mes propres réactions face à elles (Je m’effraie facilement, donc cette énumération aurait pu fait sourire).

J’avais ensuite eu l’idée de parler des invitations que j’ai reçues après la publication de mon livre.

Dont la vôtre.

J’avais prévu de vous poser quelques questions, en tant qu’en organisation responsable des Chronicles. Dans l’espoir d’obtenir une réponse de votre part (Ah oui, initialement, ceci devait être une lettre, mais j’ai finalement abandonné cette idée).

Dans mon deuxième paragraphe, je voulais m’exprimer sur le phénomène de

« l’écrivain ». D’une certaine manière, ce mot me pose un problème (Et je sais bien que les problèmes existent surtout dans la tête, comme la peur. Mais ce sera pour une autre fois). Je voulais montrer ici que je ne me vois pas comme écrivain et que ce n’est pas de la fausse modestie mais plutôt une frustration. Je voudrais expliquer ici comment moi je me qualifie et pourquoi.

Je voulais aussi faire remarquer qu’avant mon livre je n’étais « personne » et maintenant je suis « une personne qui a écrit un livre (une de plus) ». Et que c’est étrange. Qu’on se rend d’abord à des présentations en tant que lecteur, spectateur, et admirateur, achetant des livres de son auteur préféré, et qu’il arrive un moment où on se retrouve au bar avec un jeton de l’organisation à côté de cette même personne parce qu’on doit tous les deux faire une présentation. Que c’est complètement dingue.

Que ça me rend folle. Non seulement dans ma tête, mais aussi dans mon corps. Il me paraissait utile de donner ici quelques exemples précis du bouleversement de mes sens en état d’alerte à ce moment-là.

J’aurais ensuite voulu passer au prologue de Roelof ten Napel pour les Chronicles, qui (je schématise) traite de l’écriture et j’aurais alors expliqué un peu comment j’écris.

Je voulais conclure en synthétisant tout ce qui précède dans un court paragraphe, une fin concrète (alors que je n’aime ni les fins, ni les débuts), mais je n’y arrive pas. Parce que c’est tout simplement trop et que je peux vraiment m’étendre sur chaque sujet. Vous pourriez me dire, choisis un seul sujet alors…

J’ai déjà abandonné plusieurs fois mon ordinateur portable dans l’espoir de trouver une solution en y revenant. Mais les sujets ne font que s’accumuler, et ils n’ont rien à voir avec ce que je décris plus haut. Par exemple, j’aimerais écrire quelque chose à propos de la déco de ma chambre d’hôtel, à propos du lit, dire que ce machin est presque plus grand que la chambre. Que l’hôtel est situé à côté d’un chantier, que les rues de La Haye sont en travaux, qu’il fait nuit de plus en plus tôt. Mais aussi à propos des rencontres avec les écrivains, à propos de mon trouble face à certaines situations et à mon propre comportement, à propos des larmes. Il faudrait peut-être aussi parler des pères et des deux hommes qui à l’instant mangeaient des saucisses de Francfort au petit-déjeuner (!?).

Donc en fait, on pourrait conclure que j’ai commencé par un problème et que je termine par un problème, ou plusieurs, mais que j’ai en fait atteint maintenant le maximum de mots, alors je ne vais pas pouvoir y remédier.

 

 

 

Bois
20-10-17

Être assis là à attendre un peu –

Ou alors –

On n’a pas besoin de s’asseoir littéralement, on peut aussi planifier sa journée, sa

semaine, son mois autour de ce moment précis.

Pour que tout en dépende –

Ébaucher des situations, imaginer ce qui se passerait si –

L’attente n’est pas un mouvement –

Ou plutôt si→ dans sa tête.

Physiquement il ne se passe rien.

La salle d’attente du médecin : les fesses sur ce siège, les mains croisées, à feuilleter un

de ces magazines avec ennui ou à parcourir les posters qui vous font prendre conscience

de tous vos petits maux.

O, waouh, littéralement : salle. d’attente.

Espérer.

Faux espoir, apparences, déceptions.

Existe-t-il des gens qui disent : c’est exactement ce que j’espérais ?

Je n’en connais pas.

Espérer, est-ce souhaiter ?

Pré. voir = voir loin.

C’est agréable de savoir ce que l’on attend de nous demain : travail, rendez-vous,

dîners –

On planifie ses journées.

Planifier, est-ce avoir des attentes ?

Contrôler, est-ce la même chose qu’avoir des attentes ?

Il y a des gens qui planifient tout une semaine à l’avance.

Qui savent de quoi chaque jour est fait.

Un schéma fixe.

Qui parlent de « mon temps. »

Beaucoup de gens ont horreur des surprises, j’ose le dire à voix haute.

Ils partent du principe qu’on peut être sûr.

N’est-ce pas ?

D’où les assurances.

On peut s’assurer contre tout.

La sûreté comme une confirmation.

Des caméras.

Se faire plus « beau » que l’on est.

Est-ce que rêver équivaut à avoir des attentes ?

Une fois, dans le lit d’une amie à Berlin : « Tu disais que c’était formidable ici, mais c’est

pareil qu’à Rotterdam ici. »

À la fin de notre conversation elle a dit : « Peut-être que tu devrais parler à quelqu’un. »

Et moi j’ai dit : « Tu n’as qu’à parler à quelqu’un toi-même. »

Et aux Pays-Bas j’ai quand même cherché quelqu’un à qui parler.

Thérapie cognitivo-comportementale –

Oui, oui.

En fait : réfléchis à ta propre réflexion.

Autrement dit : comment perturber quelqu’un encore plus ?

On devient hyper conscient de sa façon d’agir, de sa manière d’aborder les choses

comme allant de soi.

On vous donne des exercices –

Je pourrais reproduire quelques exercices ici, mais non putain, je laisse tomber.

C’est ainsi que j’ai appris que les attentes ne sont pas perçues comme quelque chose de

positif, enfin ça dépend de soi-même bien sûr.

« Tu mets la barre beaucoup trop haut. »

Je ne mets pas du tout la barre haut, ce sont les autres qui la mettent haut.

Dans ce cas on pourrait dire: « Ma petite, te complique pas la vie. »

Oui, mais bon –

Mais bon –

Si tout le monde emploie de grands mots comme ça.

Alors je pourrais peut-être cesser de –

Je veux dire tout est formidable, fantastique, extraordinaire, intense, splendide,

impressionnant, bien ou plutôt : supersupersupersupersupergénial –

Je crois que je peux sauter haut, je suis assez forte aussi.

Mentalement et physiquement : j’étire mon corps, me tortille s’il le faut, me rapetisse, je

m’adapte pour la toucher→ la, c’est la barre.

Ce bois –

Des morceaux d’écorce dans la forêt.

Un arbre que l’on vient de couper, qui sent encore bon.

Des bouts de bois dans un panier près de la cheminée.

Des lattes dans une remise.

Des planches de bois sorties tout droit du magasin de bricolage.

Du laminé qui est en fait une image du bois.

Les attentes, ça a peut-être un rapport avec l’estime de soi –

Je suis ridiculement douée pour admirer quelque chose ou quelqu’un.

Admirer, c’est s’effacer (n’est-ce pas ?).

L’admiration peut-elle être liée aux attentes ?

J’ai navigué sur le site de Crossing Border.

Même moi je suis plutôt pas mal sur ce site.

Ce bois, je n’ai pas réussi à le posséder jusqu’à maintenant (je vise par ailleurs le plus

beau morceau).

Après le cinq novembre, je saurai au moins de quel bois exactement est faite cette barre

et qui la porte sous ses vêtements –

et qui ne la porte absolument pas.